Georgia de Timothée de Fombelle enchante les rêves des enfants et des grands
Le conte musical de Timothée de Fombelle rassemble des chanteurs de la nouvelle scène française. Le livre-cd, illustré par Benjamin Chaud, est une pépite du Salon de Montreuil
Un mur de 100 ans
Georgia est d’abord une très belle histoire portée par la plume de Timothée de Fombelle et une idée géniale : un mur de 100 ans. D’un côté, une petite fille des années 1970, Georgia, orpheline et séparée de ses petites sœurs qui vit avec sa tante dans un immense appartement parisien. De l’autre, un jeune violoniste, Sam, obligé de se terrer dans son immeuble pour échapper à la guerre qui détruit les rues de Paris pendant la Commune en mars 1871.
La chambre, unité de lieu
Georgia, née adulte sous le trait de Benjamin Chaud est une diva rousse contemporaine qui n’a rien oublié de son enfance comme le suggère la couverture. La petite Georgia, perdue dans la cage d’escalier de son nouvel immeuble, a un nez long et fin, des taches de rousseur et porte des vêtements colorés des années 1970 qui contrastent avec le costume noir et blanc de Sam à la coupe de cheveux désuète.
L’illustrateur a su contourner la contrainte de l’unité de lieu, la chambre de Georgia, avec des trouvailles fantaisistes et à propos, comme ce cerisier planté au milieu du lit de Georgia alors que dans le monde de Sam, le peuple se soulève.
Des rêves indispensables
Le deuil, la séparation, la tristesse, la guerre… le propos peut paraître lourd mais c’est sans compter sur les rêves de Georgia, personnages encombrants mais indispensables, qui envahissent les pages avec une joie palpable. Ainsi que les non-dits et les silences, qui suggèrent sans imposer, laissant à chacun sa propre façon de s’approprier l’histoire. Entre le texte et les illustrations, s’intercalent les paroles de chansons qui invitent à glisser le cd dans le lecteur.
Une voix juste
Cécile de France aime les textes de Timothée de Fombelle et ça s’entend. « C’est une raconteuse remarquable. L’enregistrement s’est déroulé comme une évidence », précise l’auteur qui a connu la comédienne lorsqu’elle débutait sur les planches. Elle joue Georgia adulte, la narratrice qui raconte son secret d’enfance. Elle cueille l’auditeur et ne le lâche plus pour l’embarquer dans les sentiments profonds d’une petite fille solitaire, passant de la gravité à la légèreté avec justesse et sensibilité.
À noter également la voix enthousiaste et convaincante d’Anny Duperey (1) qui joue le plus grand rêve de Georgia, celle de Marie Oppert pour la petite Georgia et celle d’Albin de la Simone pour Sam.
Grandir avec des chansons
« Je ne suis pas un musicien mais la chanson compte beaucoup pour moi », précise Timothée de Fombelle, qui dévoile, ici, sa facette de parolier. L’auteur a grandi avec Renaud et passé le bac oral de français avec Brel. « Ce n’est ni de la poésie, ni de la prose mais quelque chose à part, de très ramassé et de très rythmique. Il ne faut pas en dire trop pour laisser un espace aux autres. »
Les paroles sont ciselées au pied près, résultat d’un échange, entre mots et notes, à multiples rebonds avec les musiciens classiques de l’Ensemble Contraste, à l’origine du projet, et d’autres issus de l’univers pop. Le résultat donne une bande-son à l’esthétique subtile qui multiplie les émotions.
On craque sur La Grosse bête (interprétée par Raphaële Lannadère), on danse sur La valse des rêves (Karine Deshayes et Magali Léger), on chante sur La Petite fée (Emily Loiseau et la Maîtrise de Paris), on fond sur Ce qui te manquerait (Pauline Croze) et Fragile) (Marie Oppert)… Et on apprécie les trois reprises de standards qui appartiennent au patrimoine dont, forcément, Georgia on my mind et Le Temps des cerises.
Un livre-audio très réussi
« Chacun a fait un pas de côté et s’est nourri de l’univers de l’autre », commente Timothée de Fombelle. Les comédiens, qui jouent les rêves, les ont vus crayonnés pendant l’enregistrement. « J’ai peint mes illustrations en écoutant les chansons », explique Benjamin Chaud.
Le tout donne un concentré d’émotions qui touche autant les enfants et les grands mais pas pour les mêmes raisons. Et l’aventure n’est qu’à sa première étape. Le prochain rêve ? « Un spectacle musical, sans doute pour Noël 2017 », conclut Timothée de Fombelle.
(1) Anny Duperey est la marraine de SOS Villages d’enfants. Depuis soixante ans, l’association, que le livre-cd soutient, réunit frères et sœurs sans parents dans une maison familiale.
Photo Timothée de Fombelle ©A.Baudry-Tcherniak
Merci pour ce fabuleux article conçu comme un voyage au pays de Georgia. Gros coup de coeur effectivement.