Éric Battut, Ronan Badel, Éric Puybaret… Trois illustrateurs magnifient des œuvres classiques
La sélection hebdo de Livresse. Un Pierre déterminé, un Poil de carotte résistant, une Émilie pétillante… Quelle belle idée de retrouver ces personnages revivifiés !
Redonner vie à des œuvres classiques par le talent d’illustrateurs contemporains : le principe n’est pas nouveau mais c’est à chaque fois un joli cadeau pour les enfants d’aujourd’hui et des retrouvailles chargées d’émotions pour leurs parents. La preuve avec ces trois albums parus fin 2018.
La minutie et les grands espaces d’Éric Battut se marient parfaitement avec l’œuvre de Serge Prokofieff, le trait humoristique de Ronan Badel revigore le jeune Jules Renard, l’univers d’Éric Puybaret se fond dans le rêve de la fille de Philippe Chatel.
Pierre et le loup de Serge Prokofieff
Les éditions Didier jeunesse ont l’habitude de rééditer un livre-disque de leur fond pour les fêtes de fin d’année. En 2018, un anniversaire tout rond est venu se superposer à cette tradition. La première édition de Pierre et le Loup, illustrée par Éric Battut et racontée par Michel Galabru, est parue en 2001, puis une version enrichie en 2015.
Pour ses 30 ans, Didier jeunesse a choisi d’éditer une troisième fois ce très grand classique, dans un coffret avec une illustration – qui n’a pas pris une ride – d’Éric Battut à encadrer. Avant même de mettre le disque, il suffit de feuilleter l’album, d’observer chaque tableau (des grands espaces colorés) et de repérer l’oiseau, le canard ou encore le chat (des touches minuscules mais très expressives) pour imaginer le son de la flûte, du hautbois ou encore de la clarinette.
Quant à la voix de Michel Galabru, elle ne dira sans doute rien aux plus jeunes mais elle les fera trembler lorsque le loup (affamé en témoigne sa langue pendante) montrera le bout de son nez. Pas de panique, Pierre, déterminé et droit dans ses bottes, va triompher !
À noter également dans cette édition, six morceaux du répertoire classique (Satie, Chopin, Schubert) accompagnés de six tableaux d’Éric Battut.
Poil de Carotte de Jules Renard
Être le troisième enfant non désiré de la famille Lepic est un enfer que François subit chaque jour. Les corvées, les injustices, les humiliations, les corrections… Surnommé Poil de Carotte par sa propre famille parce qu’il a « les cheveux roux et la peau tachée », le mal-aimé va devoir trouver en lui-même des ressources pour grandir avec un frère et une sœur rarement fraternels, un père indifférent, qui préfère garder ses distances et, surtout, une mère sans amour. Et il va réussir !
Cet « exploit », Ronan Badel l’illustre parfaitement en donnant un visage à un Poil de Carotte lucide, résistant et rusé. Une force de caractère transparaît à travers sa silhouette longiligne et son regard droit. Elle lui permet de supporter les brimades d’une mère dont le regard aigu fait froid dans le dos, sans pour autant combler le manque d’affection dont il souffre. Jusqu’au jour où François, les poings serrés, ose dire « non »…
Pour Ronan Badel, ce roman autobiographique de Jules Renard paru en 1894, qu’il revigore avec une tendresse non feinte (un beau pied de nez à Mme Lepic), est « un des romans les plus émouvants qu’un auteur ait pu écrire sur l’enfance ».
Émilie Jolie de Philippe Chatel
L’histoire d’Émilie Jolie, conte musical de Philippe Chatel qui date de 1979, traverse les années sans prendre une ride et c’est toujours un plaisir sincère de (re) plonger dans son livre d’images à n’importe quel âge. Et pour la première fois, les images existent et elles sont signées Éric Puybaret.
En plus de rejoindre son livre d’images, Émilie jolie, jolie blondinette, va se fondre dans l’univers élégant de l’artiste dont l’interprétation de chaque chanson reliée par un chemin est un enchantement pour les yeux : un conteur dandy, des lapins bleus nombreux et coquins, un grand oiseau gracieux, une autruche séductrice, une sorcière incroyable, un hérisson très doux… Chaque tableau mérite que l’on s’y attarde pour apprécier chaque détail.
Un plaisir peut en cacher un autre… vintage celui-là ! Le disque reprend la version originale du conte musical. Retrouver les voix d’Henry Salvador et de Georges Brassens dans la chanson du hérisson est émouvant pour les plus grands ; Julien Clerc en grand oiseau n’a pas son pareil ; Sylvie Vartan en autruche est envoûtante ; François Hardy en sorcière repentie est convaincante ; Alain Souchon et Laurent Voulzy en coq et en âne sont très complices ; Eddy Mitchell en loup devenu gentil chien rock and roll est touchant… En bonus, ces images de l’Ina où l’on voit Jean-Christophe Averty tourner Émilie Jolie avec Henri Salvador
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