113 éditeur·trices indépendants, convaincus qu’une « consommation responsable » est possible dans le monde du livre, lancent un appel au grand public
L’appel qui suit, repris dans son intégralité ci-dessous en guise de soutien, a été lancé jeudi 7 mai à l’initiative de Valérie Cussaguet (Les Fourmis rouges), Laurence Faron (Talents hauts), Loïc Jacob et Chun-Liang Yeh (Hongfei), Christine Morault (Memo) et Jean Poderos (Éditions courtes et longues). L’appel a été signé par 113 maisons d’édition indépendantes.
« Ensemble, nous vivons une épreuve inédite sur le triple front sanitaire, économique et culturel. Le monde du livre semble déserté : librairies fermées, salons annulés, parutions suspendues, auteurs laissés sans ressources. Passé le premier choc, la réouverture des librairies se prépare et avec elle une reprise. Et si on parlait de l’essentiel ?
Des déséquilibres au cœur du système
Depuis des années, la vitalité de l’édition française a pris le visage d’une surabondance heureuse et insouciante, matérialisée par une offre pléthorique prétendument désirée et sans cesse renouvelée.
Hélas, la situation cache une tout autre réalité : une surproduction, néfaste pour l’environnement et qui inonde les librairies, noie une production éditoriale de qualité, plus audacieuse mais moins visible, écourte toujours plus la vie des livres, intensifie les retours et le pilonnage des ouvrages non vendus, et accentue finalement la précarité des artistes.
Cette surproduction profite aux grands groupes d’édition et de distribution quand son coût pèse injustement sur les maisons d’édition indépendantes que la crise actuelle écrase un peu plus encore, faute pour elles de disposer de réserves en trésorerie. À titre d’exemple, rappelons ici que le premiergroupe éditorial français a réalisé un chiffre d’affaires de plus de 2 milliards d’euros en 2019, et qu’il publie en quelques jours l’équivalent d’une année de création d’une maison d’édition indépendante de petite ou moyenne taille.
À l’heure du déconfinement, rien n’aura changé. Les innombrables « nouveaux » titres des grands groupes entreront en librairie à cadence forcée. Une fois de plus, les livres des maisons d’édition indépendantes, moins nombreux parce que résultant d’une production raisonnée, seront moins visibles, donc moins vendus et bientôt retournés en masse à des maisons financièrement très ébranlées.
Dans les mois qui viennent, malgré les mesures d’urgence proposées par la puissance publique, l’édition indépendante payera un lourd tribut à la crise si rien d’autre n’est fait. Le paysage de l’édition française s’en trouvera arasé, appauvri. La création perdra un bastion, la diversité un éminent représentant, la librairie indépendante un supplément d’âme, les bibliothèques et événements littéraires un terreau fertile, les lecteur·rices mille occasions de découverte, de réflexion et de bonheur.
S’engager pour la diversité éditoriale
Nous, maisons d’édition indépendantes de livres pour la jeunesse et pour les adultes, refusons cette sombre fatalité et aspirons à faire de ce moment de fragilité une force favorable à l’établissement de bonnes pratiques au service du livre, de la culture et plus largement de la société. Il est plus que temps de comprendre que, dans le commerce du livre aussi, les bons gestes existent, qu’ils sont à pérenniser et à généraliser faute de quoi la vitalité et la diversité du monde du livre déclineront.
Lecteur·trices, après la levée du confinement, revenez en librairie et laissez les libraires vous faire entendre le choix de la différence, de la création, de l’audace, l’exigence d’un travail de qualité avec les auteurs, la détermination à faire vivre longtemps les livres et à développer des lignes éditoriales lisibles et cohérentes.
Lecteur·trices, au moment de votre choix, ne sous-estimez pas la portée de votre engagement. À nos ami·es libraires, nous disons que nos sorts sont liés et qu’une certaine idée de l’essentiel en dépend. Ensemble, par milliers, par millions, contribuons à une reprise réfléchie, saine, juste et durable. Faisons du choix d’un livre l’occasion d’un enrichissement collectif. Cela dépend de nous. »
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