L’âge des possibles, Marie Chartres, L’école des loisirs
Un roman choral dans lequel trois jeunes de 17 ans se perdent à Chicago. Leur rencontre, fugace et urbaine, les bouscule et façonne leur identité.
Il y a plusieurs façons de sortir de la lecture un roman. Certes, un petit temps s’avère nécessaire pour le digérer, le décortiquer, se remémorer ses saveurs ou ses aigreurs. Mais très vite, le lecteur sait si le fond prend le dessus sur la forme ou vice-versa. « J’ai adoré l’histoire » ; « j’ai adoré l’écriture » ; « j’ai adoré les personnages » ; « j’ai adoré la construction » sont autant de petites phrases – ça fonctionne aussi avec le verbe détester – qui viennent juste après avoir refermé le livre. La longueur d’avance est souvent minime et mérite une analyse approfondie. Mais elle existe.
Des rencontres qui bousculent
Pour L’âge des possibles, publié fin août à L’école des loisirs et sélectionné pour le prix Vendredi, j’ai terminé le roman sur un sentiment équitable : j’ai autant apprécié l’histoire que la plume. Sans doute l’effet « première fois ». Je n’ai encore jamais lu de roman de Marie Chartres et je ne connaissais rien du rumspringa des amish, ni de leur mode de vie déstabilisant.
J’ai aimé le style et la musique des mots. J’ai été touchée par les personnages, en équilibre sur un fil. J’ai trouvé la construction chorale en parfaite adéquation avec le propos. J’ai apprécié l’unité de temps – furtive – et l’unité de lieu – urbaine – aussi denses l’une que l’autre. Enfin, j’adore les histoires de rencontres qui provoquent, bousculent et s’ouvrent sur de multiples possibles.
Une mégapole puissante et enivrante
Les trois protagonistes, Saul, Rachel et Temple, 17 ans, ne s’attendent pas à vivre cette bascule qui fera de leur voyage à Chicago un point de rupture dans leur construction identitaire. Avec un avant et un après. Leur introspection, provoquée et alimentée par leurs rencontres, se fait en direct sous le regard du lecteur, témoin de leur apprentissage de la liberté et de leurs métamorphoses.
Et puis, il y a Frédérik, skateur et rappeur, vecteur et perturbateur, collant et attachant, adolescent à la fois secondaire et déterminant. Avec sensibilité et distance, Marie Chartes confronte ses personnages, les lie et les délie. Elle les perd aussi pour qu’ils se trouvent eux-mêmes et façonnent leur identité.
Le tout se déroule à Chicago, mégapole puissante et enivrante, que le lecteur visite avec les yeux de grands adolescents, presque adultes et c’est émotionnellement intense.
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