Les Marvels, Brian Selznick, Bayard jeunesse
Coup de cœur. Un roman graphique dans lequel l’imaginaire s’imbrique dans la réalité
Brian Selznick est un conteur, un dessinateur et un concepteur de livres. Plonger dans un de ses romans, c’est la promesse d’une expérience unique en trois mouvements : un saut dans un passé qui résonne toujours dans le présent. Une immersion dans un univers et une atmosphère où le moindre objet tient une place particulière. Une lecture émouvante où se mêlent deux narrations, graphique et textuelle, qui donnent à l’objet littéraire une dimension particulière.
Après L’Invention d’Hugo Cabret, adapté au cinéma en 2011 et Black Out, sur grand écran depuis mercredi 15 novembre sous le titre Le Musée des merveilles, Les Marvels ne dérogent pas à la règle, mais ajoutent un mouvement supplémentaire en explorant un imaginaire dans lequel fiction et réalité se côtoient et se mélangent.
Un récit en deux parties et en deux tempos
Près de 400 pages crayonnées racontent, en images, l’histoire des Marvels, une famille de comédiens sur cinq générations. La saga commence par une tragédie en 1766. Le naufrage du Kraken et la mort d’un grand frère. Léo, le jeune frère, est sauvé et trouve un travail dans un théâtre. La seconde partie, en mots, s’arrête en 1990, à Londres. Joseph a fui le pensionnat et trouve refuge chez un oncle mutique, dans une maison hors du temps.
Un théâtre d’antan et une maison hors du temps
Dans Hugo Cabret, le lecteur goûte aux débuts du cinéma et à la magie des effets spéciaux à Paris. Dans Les Marvels, il se retrouve, à Londres, dans les coulisses, puis les planches d’un théâtre du XVIIIe siècle, mais aussi dans son sous-sol. C’est là où sont stockés les décors qui donnent vie aux pièces de théâtre. Dans la maison où vit, seul, l’oncle de Joseph, chaque pièce est un décor de scène où chaque objet a une place précise.
L’amour, la famille, la maladie, la mort
Pourquoi cet oncle taiseux entretient-il sa maison comme un être cher ? Joseph est aimanté par ce lieu énigmatique qui le plonge dans le passé, au sens propre, persuadé d’y trouver des réponses à ses questions. Sa quête identitaire prend des allures d’enquêtes avec des pièces à conviction qui vont lui permettre de se construire une histoire familiale et d’y puiser la force de devenir lui-même. Malgré leurs difficultés à communiquer, un lien ténu lie Joseph à son oncle Albert et va se consolider au fil des pages. En arrière-plan, une époque – les années 1990 – durant laquelle l’amour est fauché par le sida.
Imaginaire, fiction, réalité, vérité
Les non-dits et les silences sont autant de portes d’entrée dans un imaginaire qui permet à Joseph de s’approprier un passé vraisemblable mais inventé. Le lecteur se laisse volontiers perdre dans de vraies fausses pistes. Imaginaire, fiction, réalité et vérité se mêlent et se démêlent. Cette déambulation est grisante et même étourdissante lorsqu’on découvre, après le mot fin, qu’un certain Dennis, ayant réellement existé, a inspiré le personnage de l’oncle Albert. Et que sa maison peut toujours se visiter à Londres.
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