Marie-Claire, Marguerite Audoux, Talents Hauts

Le Zoom de Livresse. Un récit autobiographique à travers le regard discret et sensible d’une fillette puis d’une jeune fille qui deviendra une femme de lettres au début du XXe siècle

Qui connaît Marguerite Audoux ? Qui se souvient du prix Femina de 1910 remporté par le roman Marie-Claire ?

La première, orpheline à 3 ans, élevée dans un orphelinat à Bourges puis bergère en Sologne, montera à Paris à l’âge de 18 ans. Couturière, Marguerite Audoux y vit vingt années de galère avant de croiser la route d’un proche d’André Gide, qui l’introduit dans un cercle littéraire.

DR
L’ecrivaine Marguerite Audoux a reçu le Prix Femina en 1910

Le deuxième est un récit autobiographique rangé dans le tiroir de la machine à coudre de Marguerite Audoux. Il est publié en 1910 par l’éditeur Fasquelle, récompensé par le prix Fémina la même année et devient un phénomène littéraire avec 100 000 exemplaires vendus. Le titre du roman aurait même donné son nom au magazine Marie-Claire qui naît en 1937, l’année de la mort de son autrice Marguerite Audoux…

Talents Hauts
Marie-Claire, Marguerite Audoux, Talents Hauts, 256 pages, 7,90 €. Dès 15 ans.

Cette année 2019, les éditions Talents Hauts ont la belle idée de rééditer Marie-Claire, et de réhabiliter par la même occasion, ce roman au charme désuet dont la modernité réside dans son écriture, ses ellipses et ses instantanés authentiques.

La mort, l’abandon, la séparation, la rupture…

Marie-Claire, la narratrice, raconte avec un regard intact et sobre mais aussi une sensibilité empreinte de pudeur, la mort de sa mère, l’abandon de son père, la séparation avec sœur Marie-Aimée, le départ de sa famille d’accueil, la rupture amoureuse…

Elle n’a que cinq ans lorsqu’elle est placée dans un orphelinat à Bourges avec sa sœur aînée ; 15 ans lorsqu’elle le quitte pour rejoindre une ferme en Sologne ; c’est toujours une adolescente lorsque la mort du fermier l’oblige à changer de maîtres ; et 18 ans lorsqu’elle est chassée par la famille de son amoureux qui craint une mésalliance… Entre les lignes, le lecteur perçoit une solitude, de la douleur contenue, une forme de résignation, la dépression. Mais aussi deux refuges formateurs : la nature et la littérature.

Pour les lecteurs du XXIe siècle, ce récit en dit long sur une époque révolue. La place des enfants et des jeunes filles ne pèse pas lourd. Marie-Claire n’a aucune emprise sur son destin et doit se contenter de ce que les autres décident pour elle. À l’image de la mère supérieure qui l’utilise pour punir sœur Marie-Aimée dont l’affection lui aura au moins permis d’adoucir la rudesse de l’orphelinat.

La résistance intérieure de la petite fille se forge dans de courts instants de liberté : à 10 ans, en pénitence pour avoir menti, elle se contente de son sort et laisse son esprit s’évader grâce à son imaginaire ; plus tard à la ferme, au contact de la nature et des animaux, elle laisse son imagination vagabonder ; elle s’échappe aussi dans le grenier pour plonger dans les aventures de Télémaque…

Une dimension moderne inattendue

Si le propos semble très éloigné du lecteur d’aujourd’hui, ce qui suscite un intérêt en soi, le style limpide et la construction rythmée – en trois parties et en de nombreux chapitres – donnent paradoxalement au récit une dimension moderne inattendue et permettent une lecture fluide et très agréable.

Marguerite Audoux n’est pas la seule femme de lettres à être rééditée par les éditions Talents Hauts qui ont retrouvé plusieurs écrivaines oubliées dont Renée Vivien et Judith Gautier publiées en février 2019 ainsi que Marie-Louise Gagneur, Gabrielle-Suzanne de Villeneuve, en mai 2019.

« La littérature s’est toujours conjuguée au féminin »

Les Plumées, nom de cette nouvelle collection de littérature pour ados, ont un double objectif : « Montrer aux lecteurs et lectrices d’aujourd’hui que la littérature s’est toujours conjuguée au féminin », n’en déplaise aux manuels scolaires et au programme du bac et des études de lettres, « et leur faire prendre conscience de l’immense gâchis de talents que constituent la domination masculine et le patriarcat », comme l’explique l’éditrice Laurence Faron dans cette vidéo.

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