Mère Méduse, Kitty Crowther, l’Ecole des loisirs
Un album sur le lien mère-fille, puissant et émouvant
Méduse est une femme asociale. Plus proche de la nature que de ses semblables dont elle se coupe par une masse imposante de cheveux. Un rempart infranchissable. Lorsqu’elle met au monde Irisée, sa fille, elle éprouve pour elle un amour inconditionnel. Lovée dans sa chevelure, Irisée ne manque a priori de rien et grandit heureuse. Mais contrairement à sa maman, elle est terriblement attirée par les autres. Elle aimerait tant aller à l’école…
Dans cet album narratif, où texte et image se complètent dans un rythme élaboré, Kitty Crowther donne à voir une mère à la fois monstrueuse et fragile dont l’amour possessif protège, élève et empêche sa fille de s’éloigner. Un amour subtilement symbolisé par une chevelure impressionnante, sécurisante, envahissante voire étouffante. Une référence bien sûr à la Gorgone Méduse, personnage mythologique au pouvoir pétrifiant dont la chevelure effrayante représente des serpents. Et à l’animal marin prédateur dont les filaments peuvent s’avérer mortels. Une histoire qui renvoie à un dilemme éternel : comment protéger son enfant tout en lui permettant de s’émanciper. Mais l’artiste propose aussi une autre lecture en se plaçant du point de vue de l’enfant capable de métamorphoser une mère.
Dès la couverture pointe une contradiction. Le visage d’Irisée affiche une mine réjouit alors que sa mère cachée par ses cheveux montre à peine le bout de son nez. Qui est la plus fragile ? Pour découvrir le visage de Méduse – le bout de son nez dévoilé en couverture – il faut attendre une dizaine de pages. A partir de là, ce visage joue à cache-cache alors que celui d’Irisée rayonne… Jusqu’à la double page centrale dont l’image puissante à fond perdu symbolise toutes les contradictions du lien mère-enfant. S’instaure alors un dialogue entre Méduse et Irisée dont le sourire disparaît. Irisée veut aller à l’école et tente d’échapper à la chevelure de sa mère. Sa mère lui apprend à écrire et à lire. Irisée prend ses distances et arrive avec subtilité et humour à transmettre un message à sa mère avec ses cheveux : « Je suis la redoutable et terrible Méduse ! ». Pour la première fois Méduse sourit, lâche prise et finit par céder. Reste à régler, une bonne fois pour toutes, cette histoire de cheveux qui effraient les autres enfants pour devenir une « Maman ! » capable de tenir son enfant avec ses bras !
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