[Rétro 2020] Dans La Grande école, Nicolas Mathieu fixe avec son ami bédéiste Pierre-Henri Gomont, les instants fugitifs de l’enfance avec justesse, drôlerie et mélancolie.
Parmi les rares rencontres en présentiel de 2020, il y a eu celle de l’écrivain Nicolas Mathieu au mois d’octobre dans un bar (oui, il était ouvert !), près de la gare de l’Est. Il venait parler de son premier album jeunesse, La Grande école paru chez Actes sud junior (32 pages, 16,50 €).
Parce qu’il avait eu le Prix Goncourt en 2018, j’imaginais l’écrivain inaccessible, voire pire. C’est ce qu’on appelle un a priori. Heureusement, les a priori sont faits pour être balayés, parfois juste avec un regard et un sourire. Comme ceux de Nicolas Mathieu. Alors que nous n’avions pas encore franchi le seuil du café, toutes mes craintes se sont évanouies. La suite, je l’ai écrite dans le quotidien Ouest-France. Ce coup de rétroviseur dans 2020 est l’occasion de le partager sur Livresse.
Une amitié complice
D’un geste assuré, Nicolas Mathieu ouvre l’album La Grande école et montre du doigt un dessin de Pierre-Henri Gomont. Une bulle s’échappe de la voiture : « Mais elle est où la plage ? ! » Sur le siège arrière, on devine le garçon très impatient. Au volant, on imagine l’état de nerf du père… « Il n’y a pas grand-chose, mais c’est tellement évocateur », commente-t-il le regard amusé.
L’écrivain, prix Goncourt 2018 pour Leurs enfants après eux, et l’auteur de Malaterre, se connaissaient déjà par romans et BD interposés. L’album jeunesse qu’ils signent aux éditions Actes sud junior, a cultivé leur amitié. Leur complicité est palpable à chaque page.
La Grande école raconte une histoire simple et contemporaine. C’est la rentrée. Un père, séparé de la mère de son enfant, accompagne son enfant à la grande école et l’observe. « Ce passage en CP est un moment à la fois magnifique et un peu cruel parce qu’on sent qu’il y a quelque chose qui est en train de s’achever. Quand j’ai accompagné mon fils, ça m’a profondément affecté. Comme toujours quand je suis dans cet état, j’écris et j’ai publié un texte sur Instagram. » C’est ce texte – repris à la fin de livre – qui est à l’origine de l’album.
Des pères inspirés par leur enfant
Sur le chemin de l’école, la conversation entre le père, dont on voit jamais le regard, et le fils, débordant de vie, est rythmée par des flash-back. Les vacances, la vie d’avant avec maman, l’école maternelle… Ces instants sont croqués avec une expressivité, une tendresse et une drôlerie qui ne manqueront pas de faire sourire parents et enfants, sans doute pas pour les mêmes raisons.
« Les dessins et la littérature peuvent endiguer l’écoulement du temps. Avec Pierre-Henri, nous avons voulu fixer les moments fugitifs de l’enfance : la fulgurance, la poésie involontaire, la candeur, l’espièglerie, la naïveté… Nous nous sommes beaucoup inspirés de notre vécu de pères. »
Autre sujet de l’album, la paternité est mise en scène avec authenticité et mélancolie. Nicolas Mathieu surprend en qualifiant la sienne de « maladroite ». Il s’explique : « Elle ne va pas de soi. Je ne sais pas organiser des loisirs, je n’aime pas jouer. En revanche, je sais raconter des histoires, j’en lis tous les soirs à mon fils, et je lui ai écrit celle-là. Elle parle de lui, mais aussi de tous les petits garçons. Pour toujours. »
Un Goncourt à lire
Depuis notre rencontre, j’ai fini (et dévoré) Leurs enfants après eux. J’ai adoré l’écriture qui photographie avec acuité le déclin d’une ville moyenne, des familles en vrille et l’adolescence en quête d’ailleurs. L’atmosphère estivale et étouffante m’a happée, l’ennui omniprésent m’a asphyxiée, les jeunes personnages m’ont touchée… Pour résumer, j’ai adoré ces quatre années si justement racontées. Si vous ne l’avez pas encore lu, je vous le recommande.
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