Alma les réunit quinze ans après Tobie Lolness

Alma les réunit quinze ans après Tobie Lolness

Timothée de Fombelle et François Place, deux grands noms de la littérature jeunesse, se retrouvent autour du tome 2 d’Alma. En toute complicité.

« C’était une évidence, annonce d’emblée Timothée de FombelleIl n’y avait que François qui pouvait mettre un visage à Alma. » La jeune africaine est le personnage central de sa nouvelle trilogie sur l’esclavage. Sur le tome 1 – Le Vent se lève qui s’est déjà vendu à plus de 90 000 exemplaires en France – son visage « crève » la couverture. Sur le tome 2, paru fin octobre, la tenue de la jeune fille laisse supposer qu’elle se trouve de l’autre côté de l’Atlantique. Mais son attitude aux aguets ne trompe pas. Alma est libre et toujours aussi déterminée à retrouver Lam, son frère captif.

Une fidélité à l’enfance

Dans l’atelier de l’écrivain situé dans le 3e arrondissement de Paris, l’auteur et l’illustrateur se font face. Ils plaisantent un peu, s’interrogent du regard, explorent leurs souvenirs. Ils ne sont pas intimes, plutôt copains, surtout complices. Seize ans les séparent, mais ils ont en commun une sorte de fidélité à l’enfance qui les unit implicitement. Ainsi qu’une estime mutuelle et une sincère admiration de leur talent respectif.

« Quand j’ai vu Timothée la première fois, je savais que je n’avais vu que le premier étage de la fusée, se souvient François Place. J’étais sûr qu’il y en avait au moins trois. » C’était en 2005, pour illustrer Tobie Lolness, le premier roman jeunesse de Timothée. La rencontre a été orchestrée par leur éditeur. Un peu forcée, même. Timothée tique un peu, l’illustration l’oblige à déplacer son projet. Quand on lui parle de François Place, il croit d’abord à une blague. « Je connaissais ses atlas et Le dernier des géants mais j’ignorais l’époque au point que je n’étais pas sûr qu’il était vivant. » (Rires).

De son côté, François découvre l’histoire du minuscule Tobie qui vit dans un arbre. « Ce texte était un cadeau. J’étais hyper-enthousiaste. En le lisant, j’ai tout de suite vu un univers graphique. » Ils se rencontrent à Taverny dans l’atelier de François. « J’étais alors persuadé que Timothée de Fombelle était un pseudo… » (Rires).

François Place et Timothée de Fombelle.

L’un est bien vivant et l’autre porte bien son nom. L’alchimie prend, la confiance s’installe et les illustrations qui s’inspirent des années 1930 emballent l’écrivain. « J’ai adoré la vie qui s’en dégage, les respirations dans le texte, la main tendue aux lecteurs… Quant à la couverture, magnifique, souligne-t-il en montrant l’original encadré au mur, elle a été reprise dans toutes les traductions. » En écrivant le second tome de Tobie, l’écrivain est impatient de découvrir les images. « Les choix de François sont toujours des surprises pour moi. »

Une trame historique très forte

Quinze ans plus tard, l’écrivain retrouve cette même impatience en écrivant Alma. Mais l’enjeu n’est pas le même. « Alma est plus complexe à illustrer que Tobie, compare le dessinateur. Il y a énormément de personnages, de nombreuses scènes nocturnes, une trame historique très forte. » La trilogie commence en 1786 et dure six ans. « Elle raconte l’esclavage pour que le lecteur sache exactement ce qui s’est passé, insiste l’écrivainOn n’a pas le droit de mentir sur la description : les navires négriers, l’architecture des maisons de Saint-Domingue, le travail dans les champs… » Ni sur l’humanité des captifs. « Que des hommes soient réduits à des marchandises est un phénomène périphérique dans les programmes scolaires, s’offusque l’illustrateur. Aucun prof ne m’a fait toucher du doigt ces espèces de petits camps de concentration sous voile. »

Dans Le Vent se lève, le tome I, le lecteur embarque sur La Douce Amélie mais aussi dans ses cales. Dans le tome II, L’enchanteuse, les captifs sont maquillés, vendus et séparés dans des plantations de canne à sucre et des champs de coton. Les illustrations pleines page situent l’époque, fixent le décor et concrétisent les personnages. « Il y a tout dans cette image : le mouvement, la curiosité, l’effet de surprise, une construction… », commente l’écrivain le livre ouvert sur l’un des dessins.

Alma, gracieuse et obstinée, poursuit sa quête de Saint-Domingue à Paris en passant par La Louisiane, défient les lois de la gravité et (en)chante. Joseph cherche toujours le trésor caché dans la Douce Amélie échouée en Angleterre. À Versailles, le pouvoir vacille… Les fils se croisent, se décroisent, s’effleurent parfois, sans jamais perdre le lecteur. « Timothée raconte des histoires, c’est un grand conteur, commente François Place qui l’avait tout de suite pressenti avec Tobie. Avec Alma, il est désormais sur orbite. » (Rires)

Alma, L’enchanteuse, Gallimard jeunesse, 430 pages, 19 €.

Rencontre publiée dans Ouest-France dimanche 21 novembre 2021.

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