« Petite et grande ourses », un album lumineux qui libère de l’emprise

« Petite et grande ourses », un album lumineux qui libère de l’emprise

Bernadette Gervais explore avec une grande justesse les mécanismes de harcèlement au sein d’un foyer et les raconte à hauteur d’enfant. Un livre essentiel.

Des trucs comme ci des trucs comme ça, ABC de la nature, En 4 temps…  Bernadette Gervais émerveille par ses albums conceptuels et esthétiques à lire avec les tout-petits. Dans Petite et Grande Ourses, Bernadette Gervais s’adresse pour la première fois à des enfants plus grands (dès 5 ans) sur un sujet sombre et grave. Personnel aussi. « J’ai été plusieurs fois confrontée au harcèlement moral. »

Une relation délétère qui emprisonne

L’emprise, les violences psychologiques, l’abus affectif… Ces termes sont maintes fois employés, dénoncés ou encore combattus. « Mais on n’en parle pas aux jeunes enfants », déplore l’autrice-illustratrice qui, en plus de ses pochoirs et ses pinceaux, a pris son crayon pour écrire l’histoire de Petite Ourse et Pandora.

Petite Ourse a une chance incroyable d’avoir été recueillie par Pandora qui connaît tellement de choses. Pendant que Pandora se cultive et impressionne tout le monde, Petite Ourse s’occupe de la maison de A à Z. Mais pour Pandora, ce n’est jamais assez bien. Elle accuse Petite Ourse de tous les maux, au point que Petite Ourse se sent bête et stupide, en dessous de tout…

Bernadette Gervais raconte avec une justesse remarquable les mécanismes de l’emprise en plaçant le lecteur en position d’observateur capable de voir une relation délétère qui emprisonne. Rien ne lui échappe. Ni la méchanceté de l’une, ni le déni de l’autre. Encore moins la Grande Ourse – une aidante extérieure au foyer ou une force intérieure ? À chacun sa lecture – qui apparaît progressivement à travers la fenêtre avant d’encourager Petite Ourse à réagir… et d’y parvenir.

Une kyrielle de plantes toxiques et épineuses

« C’est important pour moi d’apprendre très tôt aux enfants à se faire respecter », argumente Bernadette Gervais. Elle le fait sans détour, en montrant explicitement ce qu’est le non-respect et jusqu’où il peut aboutir.  « La violence est présente parce que c’est la réalité dans ce type de relation. » Paradoxalement, la douceur des images l’atténue et la rend supportable. Mais si les images adoucissent le propos, « elles racontent aussi la violence sournoise qui ne se voit pas », ajoute Bernadette Gervais qui ne néglige aucun détail dans l’articulation du texte et les images.

Editions La partie, 40 pages, 22 €.

La nature est aussi très présente. « Je me suis fait plaisir », avoue cette amoureuse des végétaux. Mais à y regarder de plus près, les fleurs dans chaque page ne sont pas choisies par hasard. Les connaisseurs reconnaîtront une kyrielle de plantes toxiques et épineuses… qui laisseront place à l’envol d’un pissenlit.

Article paru dans dimanche Ouest-France le 21 en janvier.

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