Jan, Claudine Desmarteau, Thierry-Magnier
Une expérience littéraire qui invite à rentrer dans la tête d’une pré-ado révoltée pour ne plus en sortir. Gros coup de cœur.
Jan, 11 ans, s’appelle Janis en réalité. Ses parents l’ont appelée ainsi parce qu’ils étaient fans de la chanteuse. Mais Janis, elle, n’aime pas son prénom. Surtout depuis que Ryan, un gars en primaire, a claironné que Janis rimait avec pisse. Il s’en est tiré avec le nez en sang. Depuis, elle se fait appeler Jan (que l’on prononce Jeanne).
La famille de Jan se liquéfie à cause de l’alcool. Son père boit, sa mère hurle et son petit frère se réfugie dans ses bras. Jusqu’au jour où sa mère claque la porte et son père, plus bourré que jamais, se fracasse le crâne dans la cuisine. Jan n’a pas le choix. Elle appelle les pompiers pour sauver son père. Les pompiers, quant à eux, appellent les services sociaux pour protéger les enfants. Mais Jan n’est pas du genre à se laisser enfermer avec son frère dans un foyer…
Explosif. Dès la première page, c’est le choc. L’écriture désarçonne le lecteur, explose ses repères et le happe avec une énergie explosive. Des phrases syntaxiquement incorrectes, des mots inventés et une insolence assumée. Voilà de quoi dérouter et pourtant. Pas question de lâcher roman. Claudine Desmarteau ne triche pas. Jan est la narratrice. Elle écrit comme elle parle. Et cette gamine-là parle avec ses tripes, voire ses poings. Ça dégaine, ça fuse, ça uppercut. À l’arrivée, ça donne une musique au rythme effréné, aux respirations courtes et à la dynamique communicative.
Expérience. Jan est un concentré de nervosité, née avec les poings fermés, qui tente de se construire malgré des parents défaillants mais aimants. Écorchée vive, elle ne tient pas en place, raisonne avec sa rage et dissimule sa fragilité par une révolte contre des adultes aveuglés par leurs certitudes. Le roman ne se contente pas de proposer au lecteur d’être en empathie avec elle. Il l’invite à être elle. Une expérience de l’altérité qui se traduit par une quête de liberté acharnée.
Cinématographique. Jan est aussi gentille, tendre et pudique. Une amie sur laquelle on peut compter. Une sœur protectrice qui ne laissera personne toucher à son frère. Mais au collège, on ne voit qu’une fille indomptable qui cumule les ennuis. Seul son prof de français la regarde autrement. En classe, il a montré aux élèves Les 400 Coups de François Truffaut. Antoine Doinel, le protagoniste, a tapé dans l’œil de Jan. Le film est omniprésent pendant tout le roman. Jan va vivre, elle aussi, l’engrenage des catastrophes et les travelling des courses-poursuites. Quant au lecteur, il a juste envie de (re)voir le film.
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