L’infatigable ambassadrice de la littérature jeunesse

L’infatigable ambassadrice de la littérature jeunesse

Clémentine Beauvais est autrice, enseignante-chercheuse, conférencière, animatrice d’ateliers d’écriture, chroniqueuse, traductrice… Et, surtout, grande lectrice de livres jeunesse.

A la sortie des Facétieuses, j’avais loupé le coche pour proposer une rencontre à Ouest-France… Quand j’ai découvert Ecrire comme une abeille, un essai/manuel addictif sur la littérature jeunesse signé de son nom, j’ai dégainé une salve d’arguments pour me rattraper et qui a fait mouche !

Nous nous sommes rencontrées fin juin dans une brasserie parisienne où le photographe Corentin Fohlen avait déjà installé tout son matériel. Il nous a ensuite laissées converser à notre guise et autant dire que j’ai adoré ce moment, même si j’ai dû parfois m’accrocher pour suivre le cheminement en mode TGV de sa pensée (j’en ai même oublié de la prendre en photo pour Livresse !). La rencontre (ci-dessous) est parue le 21 août dans dimanche Ouest-France. Bonne lecture !

Clémentine Beauvais © Pierre Cattoni
Clémentine Beauvais © Pierre Cattoni

Ponctuelle, Clémentine Beauvais se dirige plongée dans ses pensées vers Le Vin Cœur, une brasserie du XVIIe arrondissement de Paris, où elle a fixé rendez-vous, à deux pas du lieu où elle réside en famille. « Un choix pratique », sourit la mère de deux jeunes enfants dont le visage ne porte aucunement les stigmates des nuits courtes, inhérentes au congé maternité.

La littérature jeunesse, de la lecture à l’écriture

La romancière a laissé à regret la fraîcheur du Royaume Uni et séjourne ce mois de juin dans sa ville natale pour la sortie d’Écrire comme une abeille, son dernier livre paru chez Gallimard jeunesse, un écrit passionnant qui se situe entre l’essai et le manuel. Il prône une éducation à la lecture de la littérature jeunesse pour en favoriser l’écriture. « C’est le parti pris du livre », confirme-t-elle. On peut y voir aussi une sorte de manifeste dont le sous-titre, La littérature jeunesse, de la lecture à l’écriture, lui sied à merveille.

Car Clémentine Beauvais, 34 ans, n’est pas du tout tombée par hasard dans la littérature jeunesse. Celle considérée comme l’une des autrices les plus talentueuses de sa génération (Les Petites Reines, Songe à la douceur, Âge tendre) entretient avec cette littérature une relation monomaniaque depuis toujours. Elle est née dedans, a grandi avec et a construit son parcours professionnel, guidée par elle.

« J’ai eu du bol « générationnellement » »

« J’ai eu la chance de naître en même temps que les albums de Claude Ponti », explique celle qui, dès qu’elle sait lire, dévore autant les livres jeunesse contemporains que ceux hérités de la bibliothèque parentale, avant d’inaugurer la génération Harry Potter. « En 1999, à la sortie du tome I, j’avais 10 ans. En 2007, j’en avais 18 ans. » A 11 ans, elle lit même le 4e tome en version originale. « C’est comme ça que j’ai appris l’anglais », ajoute celle qui, à partir de là, va développer une irrésistible attirance outre-manche.

Au collège, le sorcier n’est pas le seul à rassasier son appétit de lectrice. Elle passe toutes ses heures de permanence au CDI en compagnie des romans de Marie-Aude Murail, Marie Desplechin, Susie Morgenstern, Agnès Desarthe et quelques Américains comme Loïs Lowry (Le Passeur), Louis Sachar (Le Passage)… « C’était le début de la vraie littérature adolescente. J’ai eu du bol « générationnellement » », remarque-t-elle amusée.

À l’âge où il faut choisir son orientation, elle apprend qu’en Angleterre on peut étudier la musique à la fac et travailler ensuite dans une banque. « Cette idée absurde m’avait à la fois scandalisée et séduite, se souvient-elle. Ça n’a fait que glorifier ce pays à mes yeux. »  À 16 ans, elle se rend au British Council et en ressort avec un prospectus sur une licence de sciences de l’éducation avec un module en littérature jeunesse en 3e année.

« Le succès des Petites Reines m’a libérée »

Elle postule et, à 17 ans, se retrouve à l’université de York qu’elle ne va plus quitter. « J’ai poursuivi avec un master en littérature jeunesse, puis un doctorat. Analyser, théoriser, comprendre les mécanismes de la littérature jeunesse, j’adore ça. Mais ce qui m’intéresse encore plus, c’est de vulgariser la théorie littéraire sans la rendre lourdingue », s’emballe-t-elle. Son esprit ludique excelle en la matière. Elle démontre au passage que la fatigue post-partum n’a pas du tout affecté sa capacité de réflexion dont l’intensité et la rapidité impressionnent toujours autant. Comme son débit.

Et l’écriture dans tout ça ? « Mon premier roman, je devais avoir 9-10 ans quand je l’ai envoyé à plein d’éditeurs jeunesse. Ils l’ont évidemment refusé », rigole-t-elle. Loin de la décourager, elle persévère et sa ténacité finit par payer. En 2012, son texte La Pouilleuse, inspiré de l’affaire du gang des barbares, est retenu par trois éditeurs. « Cela illustre qu’à l’époque, la littérature adolescente était très sérieuse, voire plombante, remarque l’enseignante-chercheuse. Mais c’était atypique pour moi d’écrire sur un sujet aussi sombre. Heureusement, le succès des Petites Reines m’a complètement libérée. »

Depuis, l’autrice est passée reine dans l’art de la comédie littéraire qui explore la complexité avec humour et légèreté mais aussi avec un regard acéré sur la société. Le tout, sans jamais oublier de surprendre son lectorat, à l’image des Facétieuses, son dernier roman. « Quand on écrit, il faut aussi savoir se libérer de la théorie, lâcher prise et laisser de la place à l’inattendu. C’est ça qui nous différencie d’un TchatGPT.  Mais s’aventurer en littérature jeunesse dont on ne connait que peu des choses, c’est le meilleur moyen de tomber dans les écueils », conclut celle qui écrit comme une abeille.

Gallimard jeunesse, 448 pages, 27,90 €.

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