Le fils de l’Ursari de Xavier-Laurent Petit interroge, bouscule et émeut
Comme toujours, Xavier-Laurent Petit raconte une très belle histoire qui s’intègre subtilement dans notre réalité pour ouvrir notre regard
Comment naissent les histoires ? Une rencontre, un article, une photo ? Pour Le fils de l’Ursari, il y a un peu des trois. La photo date des années 1950. « C’est une photo incroyable, commente Xavier-Laurent Petit. Elle montre un montreur d’ours, un Ursari, qui tente d’impressionner les foules. » C’est aussi ce que cherche à faire Lazar Zidar avec son ours Gaman et l’aide de son fils Ciprian et de sa fille Vera. Leur numéro est rodé mais il n’intéresse plus les gens. Les temps changent et ce passage suranné est de courte durée.
Car si la famille de Ciprian se satisfait parfaitement de cette vie de nomade décalée, les autres ne le voient pas de cet œil-là. À Tamasciu, comme partout en Roumanie. La ligue nationaliste, épaulée par une mafia de trafic humain, sait se montrer persuasive pour exclure de leur pays les roms.
Un malaise pétri de préjugés et d’idées reçues
C’est ainsi que Ciprian, sa grande sœur, son grand frère et ses parents se retrouvent dans un bidonville à la périphérie de Paris, endettée, piégée, obligée de survivre par des moyens qui dérangent ceux qui les croisent dans la rue.
Ce malaise, pétri de préjugés et d’idées reçues, Xavier-Laurent Petit l’a éprouvé régulièrement entre la gare de Lyon et le 6e arrondissement de Paris en 2014. « Je passais devant une famille rom qui vivait rue Faubourg-Saint-Antoine dans des conditions épouvantables. J’ai voulu comprendre ce qui l’avait amenée-là. »
L’auteur fait de nombreuses recherches et prend sa plume. « Mon métier est de raconter des histoires, pas de faire la morale. » Celle qui en découle résonne subtilement avec des thématiques contemporaines qui occupent une société en repli sur elle-même. Elle interroge, bouscule, émeut. Elle propose aussi d’ouvrir notre regard sur ces bidonvilles repoussés dans les périphéries et d’y entrer à travers le point de vue de Ciprian, un enfant du vent, touchant et attachant, doté d’une intelligence hors norme qu’il ignore.
Ciprian est fasciné par les parties d’échec du jardin du Luxembourg au point qu’il en oublie de faire la manche. Les répercussions sur la recette familiale, qui sert à rembourser l’emprunt à vie, vont engendrer une série d’événements qui aboutira à un meurtre. Mais elles n’empêcheront pas Ciprian de faire des rencontres décisives pour son avenir et celui de sa famille.
« L’histoire du jeune joueur étranger qui obtient des papiers grâce à son don pour les échecs, je l’ai lue dans un article de presse. Je ne connaissais pas grand-chose aux échecs mais j’ai eu la chance de rencontrer un joueur confirmé qui m’a emmené voir un tournoi junior. C’était fascinant. »
Ciprian sait à peine parler le français qu’il se retrouve à participer à un de ces tournois. Et il gagne. Prouvant que ceux qui ont su voir en lui autre chose qu’un voleur de poule et qui, surtout, ont cru en lui, ne s’étaient pas trompés. Des personnages façonnés par le regard pure de Ciprian qui viennent s’ajouter à la galerie de portraits de famille.
À commencer par Madame Baleine. « Sa stature est aussi surabondante que sa générosité. J’aime ce personnage dont l’engagement est total. » Mais aussi Sigismond, un haut fonctionnaire retraité, « mystérieux et réglo », madame Beaux-Yeux, professeure de français langue étrangère et José, professeur de maths.
Ils vont permettre à Ciprian, « un extraterrestre » dixit sa sœur, de sortir du noyau familial sans le trahir et de se construire un avenir en étant deux, « un d’ici et un de là-bas ».
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