Bouche cousue, Marion Muller-Colard, Gallimard jeunesse
Un roman intimiste, bouleversant, d’une adolescente sur la recherche de son identité sexuelle
Le roman commence par une gifle au milieu d’un repas dominical et familial. Celle d’un grand-père à son petit-fils de 15 ans, Tom. Une même gifle que celle reçue par sa tante Amande, quinze ans plus tôt. Une gifle pour une même raison : celle d’un baiser échangé avec un adolescent du même sexe. Une gifle qui réveille une douleur enfouie et muselée par le poids d’une famille où rien ne dépasse. Amande quitte le domicile de sa sœur et décide d’écrire à son neveu. Elle met des mots sur sa propre adolescence, ses désirs, ses attirances. Avec pudeur, sincérité et justesse. Et offre son histoire à Tom pour qu’il puisse construire la sienne, malgré la gifle.
Intime. Le récit intimiste est un exercice délicat. En dire assez sans trop en dire, provoquer l’empathie sans tomber dans le voyeurisme, suggérer sans imposer… L’auteure a su trouver la bonne distance en donnant à cette histoire singulière, une valeur universelle. Il est certes question d’homosexualité mais il est aussi question de découverte de son corps, de ses désirs et de ses émotions. Période troublante, bouleversante, épuisante. L’écriture sensible décrit avec justesse et beaucoup de finesse psychologique une personnalité qui tente de se construire et de se reconstruire.
Atone. La famille d’Amande est lisse et atone. Rien ne dépasse. Rien ne se dit. Le silence est oppressant et s’impose même dans la relation fraternelle. Un silence étouffant qui autorise Amande à aller respirer ailleurs, là où la parole est libre et le désir un droit. Mais un silence qui, quand il est rompu, blesse et se transforme en gifle… patriarcale, puissante et castratrice. Et qui permet à l’histoire familiale de se répéter quinze ans plus tard. Même dans la fratrie.
Cruel. Le lycée est décrit en mode réaliste. Pas de pitié pour ceux qui ne sont ni populaire, ni dans le moule. Pas de place pour ceux qui n’adoptent pas les codes. Entre maladresses et malaises, Amande tente de trouver une confidente qui se transforme en monstre. À l’adolescence, l’homosexualité effraie. Une peur qui se transforme en rejet impitoyable. Marie-Line cherche sans doute elle aussi à trouver sa place. Qu’importe les dégâts collatéraux.
Propreté. Elle est omniprésente, entêtante. Le lavomatique en est le symbole. On lave son linge sale en famille. À l’image de la couverture du livre où la silhouette d’une jeune fille se dessine sur le hublot d’une machine à laver…
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