Le totem, Baum et Dedieu, Seuil jeunesse
Un album sans parole qui démontre parfaitement l’ego surdimensionné des (petits) chefs
Dans un village indien, la foudre a détruit le totem. Et un village sans totem, c’est comme un visage sans nez. Le chef du village demande, euh non, exige – avec autorité et geste à l’appui – de l’artiste qu’il en crée un autre et fissa. L’artiste s’en va donc dans les bois, coupe un arbre, sculpte le tronc et dispose le nouveau totem au centre du village. À en croire la réaction exacerbée du chef, ce totem-là est loin de faire l’affaire. Pas assez grand… Pauvre artiste. Tout ça pour rien. Le voilà donc parti pour fendre le tronc d’un autre arbre bien plus haut. Mais pas encore assez haut si l’on en croit le visage torturé du chef et ses mots d’oiseau. Ce manège se reproduit trois fois. À la fin, l’artiste en a « plein les bras » et se sert donc de sa tête pour trouver le totem qui pourra enfin plaire à cet éternel insatisfait. Le résultat est un tout petit totem, très particulier. Mais chut. C’est une chute justement. Il ne faut pas la divulguer pour qu’elle garde tout son effet.
Cet album sans parole nécessite un peu de concentration. Car comme l’artiste, le lecteur ne comprend rien à ce que veut ce chef. C’est d’ailleurs souvent le problème avec les chefs qui ne sont pas explicites. L’artiste agit d’abord sur le champ pour calmer le boss mais, finalement, ce qui importe, c’est un peu de réflexion et beaucoup de psychologie. L’orgueil est une notion difficile à expliquer. Elle est ici parfaitement démontrée avec, en plus, une ironie mordante qui fera rire les petits et permettra aux grands de mettre une distance bienfaitrice avec toute personne ayant des ressemblances, de près ou de loin, avec ce chef indien.
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