La Marque, Anne Loyer, Bulles de savon
Une dystopie tragique qui propose, entre autres, une réflexion sur l’endoctrinement et un hymne à la liberté
À Kyos, cité oasis fortifiée, l’eau est source d’aliénation pour le peuple qui vit en dehors, dépendant des Marqueurs. Chaque famille espère que son enfant sera marqué. C’est le seul moyen pour disposer du minimum vital en eau. Pour l’enfant, la Marque sur son front signifie qu’à 15 ans, il pourra entrer dans la cité. Et après ? Personne ne sait…
Le jour de l’Appel, Rey, 15 ans, fuit la cité laissant son jeune frère Sek, lui aussi marqué, dans un profond désarroi qui, au fil du temps, se transforme en une adoration enragée pour le Maître de Kyos.
La Marque brille aussi sur le front de Sika. Mais la jeune fille n’éprouve aucune hâte à entrer dans la cité oasis. Elle se souvient nettement de la fuite de Rey, est troublée par les confidences d’Avila, la sage-femme qui n’a pas réussi à sauver sa mère, morte en couche à la naissance de son petit frère, et commence sérieusement à douter de l’ordre établi de Kyos lorsqu’elle rencontre Rey venu chercher (sauver ?) son frère le jour de ses 15 ans.
Dans une dystopie, la société est agencée de telle sorte que le peuple ne peut accéder au bonheur. Dans La Marque, ce peuple est totalement asséché d’émotions. La chaleur, le manque d’eau ? La véritable raison de cette apathie se révèle au fil des pages faisant référence à un célèbre dicton.
Certes, ici, il n’est pas question de religion proprement dite mais plutôt d’un processus d’endoctrinement poussé à son paroxysme avec Sek. Sa blessure, éprouvée au départ de Rey, est un terrain idéal pour donner libre cours à une allégeance sans faille au Maître de Kyos et à une radicalisation qui va le pousser à tuer. À l’opposé, Sika trouve la force de s’affranchir du diktat de Maître vénéré en faisant des choix courageux, téméraires et inconsidérés au nom de la liberté.
La mise en exergue des maux de la société contemporaine (dérèglement climatique, refus de vieillir, absence de partage des richesses, fanatisme…), au travers cette fiction dystopique structurée, portée par une belle écriture, donne matière à de multiples réflexions.
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