Barracuda for ever, Pascal Ruter, Didier jeunesse
Une comédie familiale pour tous les âges qui parle de vieillesse et de fin de vie avec une énergie redoutable et une infinie tendresse
Léonard entretient une relation privilégiée avec son grand-père. L’ancien boxeur dit Napoléon, surnomme son petit-fils « Mon coco » et communique secrètement avec lui en espéranto. À 85 ans l’empereur a de l’énergie à revendre. Il décide de divorcer et de refaire sa vie, au grand dam de son fils qui en a marre de subir les frasques de son père fantasque. L’incompréhension entre les deux hommes domine. L’un est persuadé que l’autre lui en veut de n’être jamais monté sur un ring. L’autre s’imagine que son fils veut l’enfermer dans une maison de retraite. Entre les deux, Léonard tente de mettre de l’huile dans les rouages. Avec une préférence pour les 400 coups de son grand-père dont la pétulance semble indéfectible. Mais l’ennemi du dernier combat de l’empereur s’avère coriace et sournois. Les points qu’il remporte sont des détails qui n’échappent pas au regard de Léonard…
Quelle belle idée de prendre comme personnage principal un homme de 85 ans. Certes, un héros aux yeux de son petit-fils, mais il fallait oser car, à cet âge-là, difficile de se projeter dans un avenir lointain. Il y a urgence et cette urgence se transforme en une tension sous-jacente, qui irradie le roman d’une énergie vitale. Les yeux de Léonard la transmettent sans filtre, à l’état brut, rendant son grand-père à la fois inflexible et irascible, drôle et vachard, tendre et tranchant, insupportable et ultra-attachant. Autour du duo complice, gravitent des personnages liés par un lien familial incassable, malgré les incompréhensions, les non-dits, les promesses et les secrets. Ça passe des rires aux larmes sans crier gare, de la légèreté à la gravité sans s’éterniser.
Le roman est rythmé par des scènes extravagantes, des engueulades mémorables, des jeux complices et des petits riens qui en disent long. Malgré l’urgence imposée par la fin de vie, la plume sensible de Pascal Ruter prend son temps pour retranscrire par touche la fragilité du roi du ring : une lueur dans le regard, une douleur dans le corps, un esprit absent. La vieillesse est là, implacable. Il est temps de répondre à la question en suspens et de transmettre sans ne plus rien omettre. Après, il sera trop tard.
Comme dans le Cœur en braille, le roman se termine avec tous les protagonistes réunis, cette fois-ci dans une voiture, pour une virée au bord de la mer avec la complicité d’un agent de police, peu crédible mais qu’importe. Au bout de la route, il y a une fin, pas vraiment happy mais tellement apaisante. Et un personnage qui demeurera à tout jamais dans le cœur des siens.
Le roman est parallèlement paru en littérature adulte aux éditions JC Lattès.
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