Le Marquis de la baleine, François Place, Gallimard jeunesse
Livre cadeau. Une comédie tragique en six actes, délicieusement absurde, verticalement d’actualité et magistralement illustrée
Comment naissent les histoires ? Le Marquis de la Baleine est né d’un dessin d’étudiant retrouvé récemment. Celui d’une baleine qui plaisait à son auteur, François Place, et qui avait envie d’en faire « quelque chose ». Bien lui en a pris. Son talent et son imaginaire ont concrétisé cette envie en un très beau livre : esthétiquement baroque sur la forme, savoureusement tragi-comique sur le fond et orné d’illustrations réjouissantes. À consommer en famille et si possible à voix haute.
Un lieu : le royaume de Minotruche
Minotruche est un confetti sur le globe terrestre qui passe inaperçu dans le vaste monde. Le roi et la reine ne s’en souciaient guère jusqu’à ce que leur neveu leur fasse prendre conscience de la petitesse de leur royaume. Les souverains ne vont pas s’en remettre au point de laisser leur cher neveu réparer cette injustice… en organisant un banquet avec au menu une baleine. Petite précision : le royaume de Minotruche est situé à 3 000 km de la mer.
Trois personnages et une baleine
La caricature force les travers des hommes et des femmes pour en rire. François Place maîtrise l’exercice et s’en donne à cœur joie. Avec une reine, Mirabelle, un peu cruche et aveuglée par la prestance et la jeunesse de son neveu. La géopolitique la dépasse. Elle préfère de loin les danses folkloriques.
Le roi, Balthasar, est un souverain dépassé mais il a sa fierté qui étouffe ses rares moments de lucidité. Il est même prêt à se battre sur les champs de bataille pour rétablir la gloire de Minotruche. Face aux arguments de son neveu qui sait très bien le brosser dans le sens du poil, il peine à s’opposer. Faute de faire feu, il se contente d’un feu d’artifice.
Les deux souverains sont des proies faciles pour Sigismond, le neveu diplômé, qui va pouvoir mettre en pratique ce qu’il a appris dans son école de communication et de marketing. On ne fait plus la guerre, on fait de la com. Imbu de sa personne et imbuvable, il « se la pète » et manipule avec une facilité déconcertante la naïveté de son oncle et de sa tante. Ses idées égalent sa bêtise dans la démesure.
Et la baleine ? Elle occupe le cerveau des trois protagonistes en position verticale. Ce sont eux qui décident et c’est donc forcément bon pour le peuple. Les souverains ont toujours raison, non ? Parfois, ils ont aussi un peu mal à la tête car une baleine ça pèse sur le crâne.
Comique, tragique et théâtral
Mauvaise foi, jeu de mots, quiproquos… Les dialogues frôlent parfois l’incommunicabilité et l’absurdité. Le comique s’impose dès l’acte I et prend de l’ampleur au fur et à mesure que la folie des grandeurs s’installe à Minotruche. Car en plus d’être bête, Sigismond est carrément fou et doté d’une incompétence notoire, autant en diplomatie qu’en chasse à la baleine, mais invisible du roi et de la reine. Plus c’est gros, moins ça se voit et plus le trio s’isole. Si le lecteur rit, le peuple, lui, rit jaune et ce banquet va mal se terminer avant même de commencer…
Et la baleine dans tout ça ? Elle est en pleine forme comme l’illustre une magnifique double page où triomphe l’horizontalité. Et toc !
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