Brexit romance, Clémentine Beauvais, Sarbacane
Une comédie politico-sociale irrésistible qui rebondit sur une actualité désespérante (parmi tant d’autres) avec un piquant « so british » : farfelu et tellement bienvenu !
Avec Les Petites Reines, elle nous a fait pleurer de rire. Avec Songe à la douceur, elle nous a bluffés en vers libres. Avec Brexit romance, paru en août 2018, Clémentine Beauvais nous permet de nous gausser du Brexit et de prendre de la distance avec le vote du parlement britannique à l’issue incertaine ce mardi 15 janvier.
Mariages blancs entre Français et Anglais
L’idée est partie d’une plaisanterie saugrenue : une demande en mariage pour préserver son passeport européen. Et quand Clémentine Beauvais a une idée, ses lecteurs peuvent compter sur elle pour qu’elle l’exploite jusqu’au bout. C’est ainsi que naît Brexit romance, une start-up spécialisée dans l’organisation de mariages blancs entre Français et Anglais pour permettre aux Londoniens contre le Brexit de préserver leur liberté de circuler en Europe.
Justine Dogson est aux commandes de la dite start-up secrète qui intéresse vivement ses proches, à commencer par son frère Matt, mais aussi son ami Cosmo Carraway, lord cynique et fils du chef du parti europhobe d’extrême droite, probrexit.
La jeune femme volontaire et dynamique rencontre dans l’Eurostar la jeune soprano française Marguerite Fiorel, 17 ans, naïve et rêveuse, et son professeur, Pierre Kamenev, taiseux et taciturne, « raisonneur de gauche ». Ils vont tous les deux, malgré eux, devenir des usagers potentiels de son application. Sans oublier Rachel Greenblatt, l’amie de Justine, qui ajoute une note américaine dans ce roman franglais, ainsi qu’une kyrielle de personnages secondaires particulièrement bien ciblés et cernés.
Douze ans d’observation pointue
Avec sa plume aux accents british, Clémentine Beauvais embarque tout ce petit monde dans une comédie délirante, salée de quiproquos, poivrées de comiques de situation et pimentée par des réflexions contemporaines (l’engagement à l’ère de l’application Tinder, le féminisme, la laïcité, l’Europe).
Elle construit une intrigue nouée de rebondissements rocambolesques avec un calme déroutant. Elle porte un regard tendrement moqueur sur les contradictions de ses personnages. Surtout, l’autrice, qui vit en Grande-Bretagne, saupoudre son propos d’une touche très personnelle, fruit de douze ans d’observation pointue entre Londres et Paris : la confrontation du libéralisme britannique au républicanisme français… et c’est assez succulent de voir les certitudes de chacun ébranlées.
L’écrivaine revendique désormais son statut de romancière « feel good ». Elle a raison. Brexit romance est un antidote à la morosité et permet de mettre sur pause les nombreuses inquiétudes de ce début d’année. Inutile de s’en priver.
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