Dans la forêt de Hokkaido, Éric Pessan, L’école des loisirs
Un roman qui se joue de la frontière entre rêve et réalité ainsi que des frontières terrestres inspiré d’un fait divers au Japon.
Le point de départ du roman est un vrai fait divers qui a défrayé la chronique au Japon. Des parents exaspérés par leur enfant de 7 ans le sortent de la voiture au milieu de la forêt pour le punir et s’éloignent, le temps qu’il se calme. Mais lorsque le père fait demi-tour, l’enfant a disparu. Il sera retrouvé six jours plus tard, miraculeusement vivant. L’affaire a provoqué une vague d’émotion et a hanté Éric Pessan. Il l’a transformée en une fiction troublante, éprouvante et touchante.
Est-ce qu’un rêve peut se confondre avec la réalité ? Julie, 15 ans, rêve d’un petit garçon ou plutôt rêve d’être ce petit garçon au milieu d’une forêt. Son réveil est un cri de souffrance, celui d’un enfant abandonné par ses parents et perdu dans l’immensité. Désormais, chaque nuit, Julie retourne dans la peau de ce petit garçon dont l’état physique et psychique se dégrade au fil des heures. Elle se réveille chaque jour épuisée et amaigrie, en hypothermie.
Télépathie, empathie ?
Durant son sommeil, l’adolescente et le petit garçon ne font plus qu’un. Le « je » se transforme progressivement en « nous » sans « s » au participe passé. Télépathie, empathie ? Julie essaye de comprendre ce qui lui arrive avec l’intime conviction qu’elle doit aider l’enfant à survivre. Une conviction qui va prendre sens lorsqu’elle apprend que ce petit garçon a un nom et un prénom sur l’île de Hokkaido au Japon. C’est donc elle son ange gardien ? En toile de fond, les sentiments d’abandon, de perte, de culpabilité et cette question lancinante : comment des parents peuvent-ils abandonner leur enfant au milieu d’une forêt pour le punir ?
Éric Pessan embarque sans mal le lecteur dans la forêt de Hokkaido grâce un style, un rythme et une musique singulière qui l’invitent lui aussi à l’empathie. La douleur psychique est insoutenable, la dégradation physique est palpable et les périodes de veille deviennent des respirations vitales. Paradoxalement, l’angoisse se mêle avec l’envie irrésistible de retourner avec Julie en apnée nocturne pour sauver ce petit garçon.
Cette mission onirique, colorée d’une humanité exemplaire, fait écho subtilement au combat du père de Julie, qui renvoie à une réalité contemporaine et d’actualité : accueillir humainement les réfugiés malgré l’administration inhumaine. Trois jeunes hommes qui ont fui la dictature en Érythrée dorment en France dans le salon de Julie, dont Ghirmay, 17 ans, qui sait, comme l’adolescente, percevoir les émotions des gens. Il jouera un rôle clef dans le rêve de Julie au Japon… Qu’importe les frontières lorsqu’il est question d’humanité.
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