Jouer aux fantômes, Didier Lévy et Sonja Bougaeva, Sarbacane
Un album pudique qui dépeint une dure réalité avec les yeux d’un enfant lucide et confiant
Est-ce un luxe de pouvoir dormir dans un appartement différent tous les soirs ? Est-ce un jeu de faire le fantôme dans des pièces vides et noires ? Est-ce une chance de pouvoir lire des livres dans une bibliothèque tard le soir ? Est-ce un privilège d’attendre l’ouverture de l’école perché sur la branche d’un arbre ?
Le petit garçon de cette histoire a décidé de peindre son quotidien d’un vernis doux et courageux pour recouvrir une réalité dure et injuste que les illustrations suggèrent avec pudeur. L’enfant n’est pas dupe. Il sait que sa mère a perdu son travail et le salaire qui lui permettait de payer le loyer rue des Cascades. Il a su le déchiffrer dans les courriers qui la minaient. Maintenant, elle court toute la journée pour faire des ménages et finit sa longue journée de labeur dans une agence immobilière avec de multiples clefs d’appartements vides.
C’est d’ailleurs ce vide qui domine dans des doubles pages silencieuses et froides, sobres et réalistes. L’important, c’est de ranger les clefs tôt le matin avant l’ouverture de l’agence. Mais aussi de croire en celle qui fait si bien comme si de rien était. Comme lui. En témoigne leur complicité et leur force dans leur regard plein de chaleur et de confiance en des jours meilleurs… avant de repartir jouer aux fantômes.
Ce très bel album donne un coup de projecteur à une réalité qu’on ne voit pas et des visages à des fantômes dont le courage mérite d’être raconté. 1 € est reversé à la Fondation Abbé Pierre à l’achat de ce livre.
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