La danse de la mer, Laëtitia Devernay, La joie de lire
Un album sans texte, symphonique et gracieux, qui dénonce un déséquilibre aquatique… Magnifique
Lire un album sans texte est toujours une aventure intimidante. Encore plus lorsque l’objet en question se présente sous un coffret ajouré qui donne une dimension précieuse au livre. Pourtant, cette narration chorégraphique et musicale d’un esthétisme remarquable mérite vraiment qu’on s’y attarde.
Laëtitia Devernay dénonce ici la pêche intensive dans une symphonie en quatre mouvements et en clef de lune. Une armada de bateaux de pêche se dirige en pleine mer pour lancer leurs filets. Chaque prise arrache à la mer des tonnes de poisson. La mer se forme, les poissons tentent de fuir, peine perdue. La chorégraphie navale, répétitive, laisse une mer trouée.
Alors, pour nourrir l’appétit insatiable des chalutiers, des filets autonomes cherchent à atteindre les profondeurs. Ils prennent des formes humaines. C’est la panique chez les poissons acculés à s’enfoncer dans la noirceur des fonds marins, sans pour autant échapper aux mains de l’homme. Rassasiés, les bateaux rentrent au port, laissant derrière eux une mer exsangue.
La mer va-t-elle se laisser faire ? Aux danseuses de rentrer en scène, telles des sirènes sensuelles et gracieuses. Elles rejoignent les chalutiers pour les chahuter d’abord avec délicatesse puis avec fermeté. La mer se forme et se transforme en géantes affamées. La tempête se métamorphose en bacchanale. Jusqu’au dernier bateau croqué avec délectation. Silence.
Une mer sans bateau ? Dans la scène finale, tous les danseurs apparaissent dans une harmonie horizontale où chaque protagoniste trouve sa place dans un équilibre parfait. Un dernier mouvement apaisant à méditer et à partager.
L’album est paru en septembre mais s’était caché dans des profondeurs livresques. Grâce aux 30 ans de La joie de Lire, ce petit bijou est remonté à la surface. Cela aurait été vraiment dommage d’en priver Livresse.
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