Le collier rouge de Jean-Christophe Rufin

Un saut de puce bien agréable dans la littérature adulte…

Été 1919 dans un petit village du Berry. Un prisonnier, ancien soldat héroïque, attend son jugement. Taiseux et déterminé. Un juge militaire, chargé de son dossier, s’installe dans le village. Fatigué et fasciné. Une mère célibataire, ancienne citadine instruite par son père révolutionnaire, travaille la terre dans une ferme léguée par sa tante. Dure et fragile. Un chien aboie continuellement à proximité de la prison. Cabossé et esseulé. Morlac, le paysan, Lantier, l’aristocrate, Valentine  la révolutionnaire et Guillaume, l’animal de compagnie, vont se côtoyer le temps de démêler une affaire d’honneur.

Atmosphère. La chaleur étouffante et les aboiements incessants imprègnent la lecture et agissent comme une chape de plomb et une caisse de résonance. On découvre un village meurtri, exsangue, privé de sa jeunesse. Ici, le patriotisme a le goût amer de la mort prématurée. Quant au prisonnier qui a osé défier l’armée au point d’être condamné − au mieux au bagne, au pire au poteau d’exécution − comment le blâmer ?

Convictions. Face à face deux hommes de convictions qui se dévoilent, s’opposent et se respectent. Ils se rejoignent furtivement lorsqu’il s’agit de dénoncer l’absurdité de la guerre. Chacun nourri par des livres qui les ont instruits et qui les ont guidés dans leurs choix et le sens donné à leurs vies.

Sentiments. Un amour trahi, une jalousie aveugle, un enfant secrètement désiré. La parole est fragile, les mots sont rares et la souffrance profonde. Les liens entre les personnages se nouent et se dénouent silencieusement. L’enquête du juge les met à jour avec patience et ténacité. Lui-même s’attache et laisse tomber l’uniforme militaire avant de se reprendre très vite. Seul le chien est capable de dire clairement son amour pour son maître que la guerre semble avoir privé de tout affect.

En « té ». Loyauté, fidélité, puérilité, maturité, incommunicabilité, simplicité, humanité… J’y ajoute orgueil, tant pis pour la rime !

Guerre. Omniprésente forcément mais loin des tranchées de la Somme ou de la Picardie. Sur le front de Salonique, à l’est. Un pan moins connu de la Grande Guerre mais tout aussi cruel.

Construction. Qu’a fait Morlac pour être emprisonné et jugé ? Pourquoi Morlac renie ce chien qui lui est tant dévoué ? Que s’est-il passé entre Morlac et Valentine pour que l’un et l’autre s’ignorent malgré l’enfant ? Tout l’art de Jean-Christophe Rufin est de distiller les réponses tout au long d’un récit dans lequel il est agréable de se laisser porter par une écriture fluide, sans fioriture, où certaines phrases font mouches.

Pour conclure Le collier rouge est un roman d’une profonde humanité auquel on pense longtemps après l’avoir refermé. À lire aussi par les grands ados car les frontières sont faites pour être franchies d’un côté comme de l’autre !

Gallimard
Le collier rouge, Jean-Christophe Rufin, Gallimard, 156 pages, 15,90 €. Pour les grands.

 

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