Que racontent les pierres sculptées ?
Dans Parler comme tu respires, Isabelle Pandazopoulos livre un récit psychologique et embarque le lecteur dans un lycée professionnel des métiers de la pierre.
Comment décide-t-on un jour de devenir tailleuse de pierre ? Pour Sibylle, c’est plus qu’une révélation. C’est une aspiration vitale, réveillée par les Jeux d’enfants et la Porte de l’enfer (photo) de Rodin. Une urgence incandescente ravivée par l’incendie de Notre-Dame de Paris. Pour ses parents, c’est une lubie. Pour ses professeurs, une aberration. ¨Pour son « orientateur » en revanche, c’est une décision forte et intime.
Une métamorphose explosive
Sibylle, 15 ans, fille unique, choyée et surprotégée, bègue depuis son entrée en CP, sort du périmètre dans laquelle son entourage l’a cantonnée. Métamorphose adolescente ? Oui, mais chez Sybille, cette métamorphose prend des allures d’irruption incontrôlable et cette sortie de route toute tracée se fait avec fracas. Seules les pierres l’apaisent. Alors ses parents cèdent et l’inscrivent au lycée professionnel Camille Claudel de Remiremont. Loin de ses parents, Sibylle va enfin pouvoir se libérer de ce poids intérieur présent depuis toujours, qui ne cesse de s’alourdir et qui ne demande qu’à être délivré. C’est un truc dans le ventre que « les pierreux » connaissent bien…
Un récit psychologique
À travers le personnage de Sibylle, Isabelle Pandazopoulos (Demandez-leur la lune, Double faute, La décision) explore une nouvelle fois l’adolescence dans un roman psychologique, minutieusement construit et rythmé en quatre temps. Le temps des disparitions d’abord. Celle de l’enfance ou plutôt de Sissi (son surnom depuis qu’elle a voulu se présenter devant sa classe et qu’elle a commencé à bégayer) qui se superpose aux pertes de mémoire de sa grand-mère, son roc qui vacille. Le temps des confrontations ensuite. Notamment au sujet de son orientation qui se heurte à la voie imaginée par ses parents.
Une thérapie rude
Puis, vient le temps des apparitions. Cette partie là se déroule au lycée Camille Claudel. L’autrice s’y attarde avec précision, observe « les pierreux » aux parcours cabossés et décrit avec force la rugosité consolante du contact de la pierre. Avec ses mots, elle donne à la voir ou plutôt à la toucher. Pour Sibylle, dont le corps est meurtri par les postures, ce contact prend des allures de véritable thérapie, de plongée dans son inconscient. C’est aussi pour elle le temps de l’ouverture aux autres. C’est surtout un passage obligé et éprouvant pour briser les silences toxiques et atteindre le quatrième et dernier temps du roman. Celui des reconstructions après les révélations.
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