Soul Breakers, Christophe Lambert, Bayard
La traversée des États-Unis en 1936 de Teddy, à la recherche de l’âme de sa petite sœur… Un roman captivant
Une quête surréaliste
Teddy, 15 ans, a eu un pressentiment lorsqu’il a croisé le regard de Sirius, le chef des forains. Puis une suspicion lorsque ces derniers leur ont gracieusement offert deux places pour la représentation du soir. Mais comment résister à l’enthousiasme d’Amy ? Depuis la mort de leur mère et l’expropriation de leur père, les deux enfants ont tellement peu d’occasion de se divertir. La suspicion se transforme en malédiction le lendemain. Amy n’est plus qu’un corps vide. Teddy se sent responsable. Il se passe de l’autorisation paternelle pour partir à la recherche de l’âme de sa petite sœur. L’homme est trop terrien pour croire à des forces maléfiques. Commence alors pour l’adolescent une quête guidée par ses rêves et une plongée dans un pays meurtri par la crise.
Une Amérique exsangue
Après Terezin, un camp nazi en Tchécoslovaquie, Christophe Lambert embarque le lecteur au cœur de l’Amérique des années 1930 qu’il passe au crible à travers le regard et le corps de Teddy. Comme des millions d’Américains, l’ado est en mode survie. Pour gagner de l’argent, il va d’abord travailler à la mine de charbon de Grover’s Mills. Un boulot harassant et risqué pour une paye minable où les hommes sont traités comme du bétail, à une nuance près. Ce bétail-là ne finit pas aux abattoirs de Chicago, excepté pour y travailler. Teddy va y être embauché. Là, le spectacle est juste insoutenable pour l’ado (et le lecteur). De quoi rendre fou ? Au tour de l’hôpital psychiatrique d’être expérimenté par Teddy qui, cette fois-ci, a bien failli y laisser sa peau. Entre temps, il aura aussi croisé une Amérique profonde, puritaine et réactionnaire, capable du pire lorsqu’il s’agit de repousser ceux qui ne lui ressemblent pas.
Des personnages complexes
Les rencontres amicales de Teddy sont aussi diverses que l’est ce pays aux visages multiples : Duca Morano, Chef, les femmes du Club des cœurs solitaires dont Mary-Jade, celle qui éveille des émotions nouvelles chez l’ado bientôt adulte mais dont le passé l’a rendue mutique. Chacun a ses failles, ses fragilités et ses souffrances ce qui leur donne une épaisseur psychologique et un rôle déterminant.
Un diable mercantile
Les pouvoirs que possèdent quelques personnages ne font pas de super-héros, et le diable, Sirius, ne prend même pas la peine de faire signer des pactes. Ses victimes ne sont pas des blues men mais des enfants. Il vole leurs âmes pour en faire un business lucratif et mercantile qui s’affranchit de toute éthique. Le fil fantastique de l’histoire est omniprésent, sans prendre toute la place, mais la fin est attendue. La confrontation entre Teddy et Sirius est inévitable, avec des dommages tragiques collatéraux. Mais ni le bien ni le mal ne triomphent. Seuls les enfants seront sauvés. Teddy n’a pas la prétention de sauver le monde. Et le diable est éternel.
No Comment