Une liste américaine, un portable britannique, un cœur suisse… Trois albums venus d’ailleurs
Les albums n’ont pas de frontières grâce aux traducteurs et aux éditeurs… la preuve multipliée par trois dans cette nouvelle sélection hebdo de Livresse
Dans la famille Klise, il y a deux sœurs qui vivent dans le Missouri aux États-Unis, l’une écrit et l’autre dessine… À l’arrivée ça donne beaucoup d’albums dont une Liste de choses à faire absolument joyeuse et très émouvante, traduit et publié chez Albin Michel jeunesse.
Les Britanniques Jeanne Willis et Tony Ross ne sont pas à leur première collaboration mais c’est la première fois qu’ils se réapproprient #boucledor en mode 2.0. Un album efficace pour prévenir des dangers de la toile, traduit et publié chez Little Urban.
De quelle taille est ton cœur ? Pour répondre à cette question avec rigueur et douceur, Nathalie Wyss, Bernard Utz et Jamie Aspinall proposent une promenade animalière à travers le monde dans un album élégant publié chez l’éditeur suisse Helvetiq.
Comment mesure-t-on le temps qui passe ? Cet album propose une réponse tout en subtilité et suggère même une façon de l’investir pleinement faute de le retenir ou de le ralentir. En surperposant le temps de vie d’une petite fille qui grandit avec celui de son chien qui vieillit, les autrices rendent compte de l’irréversibilité des moments ordinaires que partagent l’enfant et son animal. Un matin, Astrid ne peut plus se cacher sous Eli, elle est trop grande. Un soir, Eli traîne derrière Astrid, il n’arrive plus à marcher aussi vite. C’est ainsi.
Loin de s’appesantir sur cette fatalité, Astrid décide de profiter de chaque instant avant qu’Eli ne devienne trop vieux et se met à écrire une liste de choses à faire absolument ensemble. Des choses un peu folles, des choses incroyables, des choses toutes simples aussi.
Le trait joyeux et un tantinet désuet se marie parfaitement avec cette histoire qui flirte avec la nostalgie sans jamais y sombrer même si, immanquablement, Astrid s’allonge en taille, le poil d’Eli blanchit et le cœur du lecteur, petit ou grand, se serre. Mais pas question de craquer. Ce qui compte ici, c’est l’instant présent qu’investit pleinement le binôme, chacun à sa façon, pour fabriquer des souvenirs communs et pour pouvoir y repenser le temps venu.
« Avant de poster un message, réfléchis ! » Les injonctions n’engagent que ceux qui les énoncent… Mais quand cette phrase vient conclure une histoire qui revisite un conte bien connu des jeunes enfants, la réflexion s’impose, avant même d’avoir l’âge de posséder un portable.
L’héroïne de cet album a des cheveux d’or, sans boucle, et tient dans ses mains un smartphone. La petite fille se met en scène sur les réseaux pour obtenir des « J’aime » de ses proches mais très vite, elle en veut davantage. Elle se met donc en quête de nouveaux clics en postant des scènes #mdr… c’est la gloire jusqu’à ce que ses amis se lassent et partent (pour de vrai).
L’abandon lui fait mal mais ne la remet pas en question, au contraire. La miss, aveuglée par l’addiction des « J’aime », décide de faire le buzz en s’introduisant par effraction dans une bicoque appartenant à trois ours… Tiens, tiens, ça dit rappelle quelque chose aux jeunes lecteurs ?
Avec application, elle immortalise chacun de ses méfaits (une chaise cassée, une soupe trop chaude, un lit douillet…) et les partage avec ses amis virtuels. Ce qu’elle ignore, c’est que parmi eux, il n’y a pas que des amis. La jeune fille aura beau s’enfuir aussi vite que la vraie Boucle d’or du conte, les cyberpoliciers n’auront aucun mal à la retrouver. Quant à sa (mauvaise) réputation à jamais sur Internet, elle fait fuir tous ses amis…
Un album efficace et bien vu sur les mauvais usages du téléphone portables et les dangers des réseaux sociaux, estampillé par le dessin singulier et dynamique de Tony Ross qui n’épargne pas son héroïne…
La curiosité est une jolie qualité que les enfants s’approprient avec un imaginaire laissant parfois sans voix les adultes. Qui connaît la taille du cœur de la baleine ? Le mieux, pour avoir la réponse, c’est de poser directement la question à l’animal concerné.
La promenade animalière qui en résulte propose aux jeunes lecteurs une triple lecture : scientifique, poétique et réconfortante. Chaque animal interrogé répond avec une rigueur imagée à la question de l’enfant : la taille du cœur de la baleine a réellement la taille d’une botte de foin et celui de l’éléphant est aussi grand qu’une pastèque. Quant à ce qu’il y a à l’intérieur, c’est à chaque fois joliment raconté : la grandeur des océans pour l’une, la mémoire de ses ancêtres pour l’autre.
La balade se poursuit dans des contrées proches ou lointaines aux couleurs pastel, douces et rassurantes. Chaque double page met en scène le petit garçon avec l’animal dans une relation respectueuse, voire réconfortante, comme celle où l’enfant est endormi sur le ventre rebondi de l’ours à la façon de Mowgli.
De la poule au colibri, cette lecture promenade invite le jeune lecteur à nommer chaque animal par anticipation au texte lu à voix haute, à visualiser la taille du cœur grâce à des images explicites et à imaginer à son tour ce qui lui tient à cœur. Un album élégant qui promet de douces discussions avant de s’endormir…
No Comment