Broutille, Anne Herbauts, Casterman
Un chagrin, petit ou grand, est un chagrin
Broutille a perdu son chat. Il est triste. Il en parle au cow-boy qui trouve sa perte dérisoire comparée aux siennes. La corbeille lui assure que ce n’est pas bien grave et elle sait de quoi elle parle. Des pleurs pour un chat ? Que ferait Broutille s’il n’avait plus de pays ? L’ogre ne pense qu’à son estomac tiraillé par la faim, le marchand lui propose des chats à acheter, le chef de bord a d’autres chats à fouetter… Broutille décide de cacher son chagrin ce qui n’est pas de l’avis du chien.
Une émotion profonde et sincère se dégage de cet album à dimension philosophique. La tristesse se partage-t-elle ? Comment vivre avec l’absence et le vide ? La perte peut-elle être comblée ? Broutille ne trouve aucune oreille pour se confier. Autocentré, intéressé, affamé, fatigué, esseulé, occupé, désemparé, frigorifié… Chaque personnage rencontré a de très bonnes raisons de ne pas l’écouter.
Les images sont contrastées entre le trait naïf qui croque un Broutille innocent et authentique, et les portraits complexes des autres personnages, blasés et imperméables à sa détresse, où se mélangent plusieurs techniques. A chaque double page, se cachent des détails (les clefs sur la veste du cow-boy), des références (les contes), des évocations : l’immigration (l’homme sans pays), la société de consommation (les chats objets à vendre), le temps qui passe (le tableau sur lequel on aperçoit la vieille dame lorsqu’elle était jeune).
Broutille, qui prend conscience des vies compliquées des adultes, finit par se persuader que son malheur ne vaut rien. Pourtant, sa peine l’habite et ne semble pas vouloir le quitter. C’est finalement un chien (un comble pour un chat perdu) qui le comprend. Mieux encore, il sait comment soulager sa peine et lui propose une belle façon de garder à jamais le souvenir de son chat sauvage, libre et heureux à en croire la quatrième de couverture.
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