Cœur battant, Axl Cendres, Sarbacane
La folle escapade tragicomique de cinq désaxés racontée par l’un d’entre eux. Vivifiant !
Qu’est-ce que la folie ? Comment en parler ? Quel regard porte la société sur ceux qui se décalent de l’axe ? Axl Cendres aime les personnages fêlés, à l’image de Bibow Bradley, dont la drôle de vie revisite la Guerre froide en mode déjanté. Dans Cœur Battant, elle plonge sa plume dans une clinique où cinq suicidaires sont regroupés, dont Axel, 17 ans, à qui elle donne la parole. Asséché d’affects depuis la mort de sa mère, le garçon a tenté d’éteindre son cœur de crainte de l’entendre à nouveau battre. Quand un suicidaire parle d’autres suicidaires, il n’y a pas de jugement, ni de leçons. Il n’y a pas non plus d’analyses psychologiques. Il y a juste des fragilités qui se côtoient au rythme des ateliers et qui dialoguent avec leurs mots et leurs maux.
Un suicide collectif
L’attitude bougonne de Jacopo, vieux milliardaire désespéré qui n’arrête pas de râler, n’atteint pas la bonne humeur de Colette. La doyenne a beau vouloir mourir étouffée sous un oreiller pour rejoindre l’amour de sa vie, elle irradie de malice et s’exprime par aphorismes poétiques. Ce qui agace, Victor, le plus jeune, gourmand et tout en rondeur, souvent largué par ces maximes de grandes personnes expérimentées et dont la candeur va déstabiliser la glaciale Alice. Pourtant, la jeune fille ne l’épargne pas en répliques cinglantes. Quant à sa beauté, elle oblige Axel à lutter contre de nouvelles émotions qui l’assaillent.
Comment l’alchimie prend-elle entre eux ? Les cinq patients ont tous en commun d’avoir tenté de fuir la vie, alors forcément, ça crée des liens. Ça donne aussi des idées. Au départ, il s’agissait juste d’une repartie cynique d’Alice parmi tant d’autres. « Je vois pas ce qu’on pourrait organiser ensemble. À part un suicide collectif. » Très vite, c’est devenu une évidence au point de laisser pointer un soupçon d’enthousiasme chez le grincheux Jacopo qui, royal, invite la petite troupe dans son manoir normand et leur propose de sauter tous ensemble de la falaise, lui qui n’a jamais réussi à franchir le pas tout seul…
Petites touches de sel
La mort fait partie de la vie, mais dans cette clinique, la vie fait aussi partie de la mort. Entre les répliques incessantes des protagonistes, qui oscillent entre humour noir et pensées philosophiques, et les scènes burlesques, qui rythment leur escapade chaotique, la plume d’Axl Cendres glisse par petites touches du sel qui commence la longue cicatrisation des failles plus ou moins profondes de ses personnages.
Le propos est certes sombre mais jamais larmoyant. C’est surtout drôle et touchant. Cœur Battant ouvre le regard sur la folie et invite aussi à réfléchir sur le sens de la vie.
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