Douze écrivaines « plumées » sortent de l’oubli
Romans, récit d’enfance, pièce de théâtre… La collection Les Plumées de Talents Hauts compte douze œuvres d’écrivaines oubliées qui méritent d’être citées et étudiées
Qui est capable de citer une femme de lettres ou une grande écrivaine ? Un roman peut-être ? La tâche s’avère très vite expédiée. La faute à qui ? Du point de vue de l’égalité hommes-femmes, les corpus des œuvres littéraires étudiées au bac de français font office de très mauvais élèves. Résultat, les personnes interrogées citent Madame de Lafayette (La Princesse de Clèves), Colette et George Sand, mais très vite, elles sont à court de noms.
« Moi-même j’ai fait l’expérience à plusieurs reprises quand j’étais jeune, remarque Laurence Faron, directrice des éditions Talents Hauts. Est-ce que cela veut dire que les femmes des siècles précédents n’écrivaient pas ? » C’est en cherchant la réponse à cette question que la collection pour adolescents « Les Plumées » des éditions Talents Hauts est née. Les recherches ont débuté l’été 2018.
« Créer une collection »
« Avec deux de mes collaboratrices, nous ne savions pas ce que nous allions trouver, se souvient Laurence Faron. Mais nous avons très vite été rassurées. Nous avons lu de nombreux textes numérisés sur le site de la BNF et sur celui de l’association « Le deuxième texte ». Il ne nous a pas été difficile de dresser une liste de femmes de lettres du Moyen Âge au XXe siècle. Tous les textes ne sont pas lisibles par des adolescents et jeunes adultes d’aujourd’hui. Mais on en a trouvé assez à la portée du plus grand nombre pour créer une collection. »
Les trois premiers titres sont parus en février 2019, les trois derniers en février 2020 (disponibles aussi en format numérique en ces temps de confinement). En un an, douze titres ont été republiés sans toucher au texte initial.
« Nous avons juste demandé à des universitaires de préfacer chaque livre pour contextualiser l’œuvre », précise l’éditrice. Ils apportent également des éléments biographiques sur les écrivaines.
« Un texte bouleversant »
Parmi elles, Marguerite Audoux (Marie-Claire et L’atelier de Marie-Claire) mais aussi Georges de Peyrebrune, dreyfusarde et féministe dont le roman « Victoire la rouge, publié en 1884, est un texte bouleversant sur la misère domestique », prévient Laurence Faron. L’autrice raconte les malheurs de Victoire, une adolescente orpheline, élevée à l’hospice dans le Périgord, corpulente et écervelée, surnommée La Rouge à cause de sa chevelure flamboyante. Georges de Peyrebrune décrit sa condition sociale effroyable, sur fond de condition féminine qui l’est tout autant.
Pour Victoire c’est la double peine qui lui paraît normale en tant que « fille de rien ». La jeune paysanne préfère se tuer à la tâche que de penser ce qui arrange bien ceux qui la louent. Jusqu’au jour où elle s’autorise à raisonner… Il en résulte un texte terriblement âpre à l’issue tragique, adouci par quelques passages bucoliques, mais un texte utile pour dénoncer l’injustice sociale et la domination masculine de l’époque.
Pourtant, le roman et son autrice ont été oubliés « comme beaucoup d’autres écrivaines parce que la critique littéraire est masculine, parce que les gens qui font les programmes scolaires sont des hommes, parce que toute la profession décisionnaire est masculine, déplore Laurence Faron, la directrice de Talents Hauts. L’enjeu aujourd’hui, c’est que les enseignants s’emparent des œuvres de ces écrivaines réhabilitées. »
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