Ruby, tête haute, Irène Cohen-Janca et Marc Daniau, Les éditions des éléphants

Un album mémoire pour que l’histoire de Ruby et le sourire de sa maîtresse continuent à donner du courage pour lutter contre l’injustice et le découragement

La ségrégation aux États-Unis est une époque révolue. Pourtant, à en croire l’actualité outre-Atlantique, une minorité blanche n’hésite pas à se montrer nostalgique de cette période abjecte, violences à l’appui.

Dans ce contexte, Ruby, tête haute apparaît d’abord comme un album précieux et nécessaire. En donnant la parole à Ruby adulte racontant elle-même son histoire, Irène Cohen-Janca propose un témoignage authentique. Celui d’une petite fille de six ans qui grandit heureuse, entourée de bienveillance, mais dont le quotidien va être bouleversé par l’Histoire lorsque ses parents décident, non sans mal, de l’inscrire à l’école près de chez elle jusqu’alors réservée aux blancs.

Son regard et sa lecture des événements ne sont pas ceux d’une militante qui lutte pour ses droits mais ceux d’une enfant qui aime apprendre et qui veut juste aller à l’école. Elle ne comprend pas la haine qu’elle croise sur son chemin jusqu’au jour où elle réalise : « J’étais noire. Le problème c’était moi. » Ce point de vue est d’une efficacité remarquable pour illustrer l’ignominie des adultes racistes.

La toile de fond historique est l’occasion de parler avec les plus grands de l’Amérique ségrégationniste des années 1960 et de ses résurgences actuelles à travers des groupuscules extrémistes. L’occasion aussi de prendre conscience que chaque victoire est fragile et que la lutte pour que les enfants noires aient les mêmes chances que les enfants blancs continue.

L’album est également un bel hommage de Marc Daniau à Norman Rockwell qui a peint Ruby Bridges sur le chemin de l’école escortée par quatre agents fédéraux. Les peintures, comme les mots, racontent des vies et provoquent des émotions. La narratrice de l’album l’expérimente en découvrant The problem we all live with.

Le lecteur en fait également l’expérience face à la version réinterprétée du célèbre tableau par Marc Daniau dans la première double page. La petite fille courageuse garde la tête haute entre les policiers alors que, derrière elle, une tomate écrasée sur le mur témoigne de la violence dont elle est victime. Les autres tableaux ne laissent pas non plus indifférents. Comment ne pas être bouleversé par cette petite fille noire qui boit les paroles de sa maîtresse blanche dans une classe désespérément vide ?

 

 

Les éditions des éléphants
Ruby, tête haute, Irène Cohen-Janca et Marc Daniau, Les éditions des éléphants, 40 pages, 15 €. Dès 9 ans.

 

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